Ciblés et efficaces, les SMS et les emails publicitaires sont de plus en plus employés en marketing. Zoom sur cette publicité moderne parfois hors la loi.
“Participez à la tombola et gagnez une voiture”, “Une cure minceur à petit prix ?”, “Demain, rendez-vous aux bureaux de vote pour accomplir notre devoir national”… Aucun Marocain détenteur d’un téléphone portable ou d’une adresse email n’échappe à ces messages publicitaires intempestifs. De plus en plus fréquente, cette forme de publicité moderne devient une source de désagrément, surtout pour sa cible privilégiée : le jeune cadre branché sur Internet. C’est que l’industrie du SMS explose et les petits messages de 160 caractères ont beaucoup de succès. Pourquoi ? Le SMS a l’avantage d’être clair et concis. On est sûr que le message arrive à destination. Un SMS incite immédiatement à la lecture, sans parler de la rapidité de l’action.
En marketing, la publicité via SMS est à la mode au royaume. De plus en plus d’agences de publicité proposent désormais à leurs clients de diffuser leurs annonces par le biais de petits textos. Et les annonceurs en raffolent. Concessionnaires automobiles, chaînes hôtelières, boutiques de cosmétiques et autres agences immobilières s’engouffrent dans les inbox des consommateurs. “C’est l’efficacité de cette action marketing qui la rend attrayante, affirme la directrice d’une agence de com basée à Casablanca. Et ce, d’autant que le coût s’avère beaucoup moins important que les insertions dans les journaux ou les passages à la radio et la télévision”. En effet, pour un envoi publicitaire à 10 000 numéros de portable, l’opération coûte 5000 DH. Et pour un envoi à une base de données de 100 000 adresses email, cela coûte les 200 DH par lot de 1000 adresses, soit 20 000 DH pour la totalité. On est loin des millions de dirhams que coûtent les passages à la télévision. Outre l’augmentation des ventes des annonceurs, le mailing permet de booster le nombre de visites sur un site Web, et donc d’accroître la notoriété d’une marque.
Mass spam
Certaines entreprises disposent de bases de données de plus de 2 millions d’adresses emails et autant de numéros de portable. Et la fréquence d’envoi s’accélère vu le succès des campagnes publicitaires menées auparavant. “50% de mes mails sont des offres de sites marchands, des promotions sur les nuits d’hôtel, ou encore des sites d’informations, glissant de la publicité entre les lignes”, explique Mahmoud, cadre dans une banque, la trentaine. “On dirait qu’ils sont tellement bien informés qu’ils nous envoient des publicités susceptibles de nous intéresser”, affirme Salma, étudiante. Et elle n’a pas tort.
Les sociétés offrent à leurs annonceurs des bases de données de plus en plus intelligentes. Profitant d’outils technologiques, d’interconnexions des réseaux sociaux comme Facebook et LinkedIn, les publicitaires optimisent leurs bases d’adresses et de numéros selon des critères d’âge, de sexe, de zone géographique et de préférences. La recherche va même jusqu’à définir le profil psychologique des consommateurs. “Pour nos bases de données les plus ciblées, il nous arrive de voir sur Facebook les pages aimées par chacun des consommateurs, ce qui nous donne une idée assez générale sur leurs goûts”, affirme le directeur général d’une société publicitaire.
Mais que dit la loi ?
Sur la vingtaine d’agences de communication offrant ce genre de services, peu se conforment aux lois en vigueur, notamment en matière de protection des données personnelles. En effet, depuis mars 2009, le Maroc s’est doté d’une loi régissant l’acquisition, la formation et l’utilisation de fichiers contenant des données personnelles. Pour la première fois, la notion de consentement du consommateur a été incluse. Ce consentement est exigé lors de tout usage d’adresses emails ou de numéros de téléphone privés.
Sans cela, tout usage à des fins commerciales de données personnelles est sanctionné d’une peine d’emprisonnement d’un an ou d’une amende pouvant atteindre 200 000 DH. “Nous constituons notre base de données et l’alimentons en proposant aux internautes de remplir des fiches, afin de participer à des jeux-concours ou des tombolas. L’utilisateur accepte donc les conditions générales de notre société, et peut se désabonner à n’importe quel moment”, explique la directrice d’une société casablancaise. Seules deux sociétés spécialisées ont mis sur leurs sites Internet des mentions légales, et proposent aux consommateurs de se désabonner, voire de changer leurs préférences pour ne recevoir que la publicité qui les intéresse.
Dénoncer, en attendant…
Et ceux que ça n’intéresse pas ? Techniquement, aucun moyen de recours n’est possible quand il s’agit de publicité sur téléphone portable. A part mettre ses emails dans les spams, l’internaute reste désarmé face à l’avalanche de mails qu’il reçoit tous les jours. “Des plateformes informatiques de plus en plus performantes sont utilisées pour envoyer des SMS en masse, et la plupart de ces systèmes se trouvent à l’extérieur du Maroc”, explique un publicitaire. Ces opérations échappent à la fois aux opérateurs de téléphonie et au gendarme du marché, l’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT), qui ne dispose même pas de statistiques sur la question. Car elles sont peu nombreuses, les sociétés qui ont été autorisées par l’ANRT à exercer dans ce service à valeur ajoutée.
La Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel (CNDP) a donc mis des formulaires de plainte à la disposition du public. Jusqu’à présent, aucune sanction n’est tombée, et la Commission continue de faire sa collecte. Pour contourner la provenance anonyme des textos et des emails, l’institution préconise de dénoncer directement l’annonceur. Le secteur de la publicité par SMS semble donc avoir encore de beaux jours devant lui.
SMS. Le retard du politique
Sur nos téléphones portables, il n’y a pas que les publicités des produits cosmétiques et des week-ends de rêve à Marrakech qui affluent. Outre les messages de félicitations à l’occasion des fêtes religieuses et nationales, généreusement envoyés par les opérateurs télécoms - qui n’oublient pas de glisser des promotions pour leurs produits -, la fièvre du texto a touché certaines formations politiques. A l’approche des échéances électorales, des partis politiques comme le PAM, l’UC ou le RNI s’y sont mis. “Ce n’est pas vraiment un signe de modernisation des formations politiques, affirme le spécialiste en NTIC, Rachid Jankari, et les organisations politiques et la société civile sous-utilisent ce canal, qui s’avère puissant et mobilisateur”. Selon Rachid Jankari, avec 36,5 millions de numéros de téléphone, et plus de 14 milliards de SMS échangés tous les ans, le Maroc a la plus forte croissance du secteur dans la région, et cette situation devrait susciter davantage l’intérêt d’associations et de partis en quête de mobilisation.
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source: telquel
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