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lundi 27 février 2012

Définition du concept de compétence


Extrait d'un mémoire de Marie Liesse Nimier
Au moment où l'on parle à l'école de compétences et de définition de poste pour les enseignants il est utile de réfléchir sur ces notions.


Nous aborderons cette définition en s'appuyant sur les travaux de Philippe Zarifian pour resituer d'abord, les étapes de l'émergence du modèle de la compétence.
Fin 1974, suite à la négociation de l'accord de classification de la métallurgie, une contradiction apparaît entre la notion d'emploi (maintenue comme le modèle de référence pour la classification) et la définition de nouveaux critères " classants ". Il apparaît que trois d'entre eux (la responsabilité, l'autonomie et la formation requise) ont une signification que si l'on en fait des attributs d'individus humains.
L'existence de ce paradoxe dans l'opposition qualification de l'individu / qualification du poste est déjà un premier signe important d'émergence du modèle de la compétence.
Les critères d'autonomie et de responsabilité signifient qu'on est d'autant plus qualifié (et donc rémunéré) qu'on est autonome dans son travail. L'autonomie est définie par le contraire de la prescription. C'est un véritable renversement de valeur par rapport à la tradition taylorienne. Avec cette question de l'autonomie, c'est en profondeur la reconnaissance de la place et du rôle de l'individualité qui émerge. Chaque individu a des aspirations et des capacités de jugement qui lui sont propres, singulières et qui ne peuvent être niées ou étouffées dans l'intérêt collectif.

Dans ce contexte, on peut déjà avancer deux premières significations de la notion de compétence :
- La compétence, c'est l'occupation experte de l'espace d'autonomie dévolu et reconnu au salarié ; espace non déterminé, non prescrit, que l'action de l'individu " compétent " doit remplir.- La compétence, c'est aussi l'expression de capacités individuelles, singulières au sein d'un ensemble collectif.
Vers 1985 dans cette période de crise économique et de montée du chômage, cette question de la compétence ne s'imprègne pas encore dans les organisations du travail qui évoluent peu. Au moment de la reprise économique , la thématique de la compétence va rebondir avec un enjeu important. En effet, c'est la capacité de l'économie française à s'élever au niveau des nouveaux défis productifs et concurrentiels qui est interpellée. La nécessité de sortir de la crise par une montée en qualité des produits et la nécessité de faire face à la montée de l'incertitude de la reprise économique, aux variations des commandes des clients et à la complexification des technologies vont donner plus de poids encore à la notion d'autonomie, d'analyse et d'action dans et sur les situations.
La définition de la compétence se précise alors :
- assumer une responsabilité locale, en situation, savoir prendre la bonne décision dans un temps court, face à un événement. On considèrera qu'il y a intérêt à décentraliser une partie du pouvoir de décision auprès des équipes de base pour qu'elles puissent répondre à la montée en complexité des performances. Le mot clé est responsabilisation.
Illustrons ces éléments de contexte avec les propos d'un chef d'atelier dans une PME de l'ameublement
la production de mon atelier se complexifie. Nous introduisons des machines outils à commande numérique. Nous travaillons de plus en plus à la commande. Les exigences de qualité et de personnalisation des produits demandés par les clients ne cessent de monter et nous ne pourrons survivre qu'en y faisant face. Or je ne connais pas réellement mon personnel. Je ne sais pas ce qu'il est capable de faire. La grande majorité d'entre eux est classée OS, ce qui ne veut strictement rien dire. Je ne connais pas les compétences de chacun et moins encore la manière de les développer et de les mettre en valeur. Je suis totalement bloqué par l'approche en termes de postes. Je rêve qu'un jour on puisse gérer en fonction des compétences de chaque personne de mon atelier et les reconnaître en salaire " .
Le modèle du poste de travail atteint ses limites.
Ce modèle révèle son inefficacité et son inadaptation car une large partie des qualités effectivement mobilisées par les salariés ne sont plus du tout nommées par les descriptifs du poste. Il révèle également de l'injustice ; injustice face à l'employeur car les compétences réelles ne sont ni reconnues, ni rémunérées mais aussi injustice entre salariés car ces derniers connaissent parfaitement les différences de compétences et d'engagement entre eux. Ce sentiment développe, chez certains, des comportements amers " je fais juste ce qui est écrit dans la fiche de poste, pas plus, pas moins ". Il devient donc impossible de faire face aux nouveaux défis productifs et concurrentiels en restant bloqué sur les définitions de poste.

Les innovations organisationnelles vont être placées au second plan pendant la première moitié des années 90, malgré une prise de conscience du besoin de s'appuyer sur un nouveau modèle qui s'écarte de celui du poste de travail.
La priorité sera donnée à une recherche de hausse de la rentabilité avec l'arrivée d'un phénomène nouveau : la financiarisation de l'économie.
Concilier les résultats financiers et le développement des compétences ne va pas de soi. Au sein de la direction de l'entreprise, il est possible de discuter d'une démarche compétence et d'en mesurer la portée. Mais cela devra, ensuite, être légitimé en termes de signification et d'intérêt auprès des actionnaires dominants notamment si cela entraîne une évolution de la masse salariale. On verra ainsi apparaître des évolutions hybrides : d'un côté des réductions fortes d'effectifs, de l'autre un véritable investissement dans le développement des compétences des salariés restants.
Cependant, accroître les compétences des salariés pour accroître leur polyvalence au sein d'équipes à taille réduite n'instaure pas pour autant les conditions d'une prise d'initiatives du salarié sur son activité.
L'initiative est forcée car il faut faire face au manque d'effectifs. Elle n'est donc pas prise et assumée en positif par les personnes. La thématique de la compétence resurgira à nouveau à la fin des années 90 en prenant une dimension nouvelle car il s'agira de faire face aux nouvelles données de la concurrence internationale. Les marchés fortement concurrentiels expriment des bouleversements profonds impactant les conditions de productivité. Le débat prend alors une ampleur soudaine et inédite autour de la conviction que
ce seront le développement et la mobilisation des compétences (et non pas les technologies, ni les structures organisationnelles, ni les niveaux de salaire) qui feront la différence au sein de cette compétition mondiale.
La notion de compétence fait, depuis, l'objet de nombreuses définitions selon des points de vue différents.
Nous citerons, par exemple, Francis Minet, professeur associé à la chaire Economie et Gestion du CNAM à Paris qui propose un modèle de description du contenu des compétences reposant sur différentes catégories de savoirs
les savoirs ne s'acquièrent pas tous de la même façon, selon qu'ils ont été appris en dehors de l'action - notamment à l'école - ou à la faveur de l'action c'est-à-dire, construits dans la pratique. Dans un cas, on aura des savoirs formalisés sous forme d'un contenu en général facilement transmissible et en tout cas accessible et dans l'autre cas, on aura des savoirs de l'action très liés aux situations dans lesquelles ils sont mis en œuvre " .
Il poursuit en définissant
les savoirs formalisés " avec d'une part, le savoir théorique qui manipule des " objets " abstraits obéissant à une logique propre et pas à une logique de l'action (en général les savoirs disciplinaires) et d'autre part, "le savoir procédural "par lequel le savoir théorique peut s'investir dans l'action en ordonnant la suite des actes selon la finalité poursuivie. Il décrit ensuite les " savoirs de l'action " : le savoir pratique qui apparaît comme la mise en œuvre d'un raisonnement personnel, non formalisé, construit entièrement dans et aux fins de l'action et "le savoir faire" qui correspond au répertoire d'actes dont dispose un individu pour faire une action donnée.
Ainsi, pourrait-on dire que la compétence apparaît comme une somme de savoirs qui s'articulent pour produire une activité.

Citons maintenant Guy le Boterf qui apporte une réalité des compétences plus complexe.
Selon lui, l'organisation du travail est facteur de production de la compétence. Par exemple, la compétence d'un individu dans une organisation du travail correspondant à une conception taylorienne (segmentation des tâches, nombreux niveaux hiérarchiques, tâches répétitives, peu d'initiatives, logiques de postes de travail) signifie " savoir faire " ou capacité à effectuer une opération prescrite.
En revanche, dans une organisation du travail plus ouverte (prescriptions en termes d'orientations générales, d'objectifs fixés, règles génériques, équipes à responsabilité élargie, réduction des niveaux hiérarchiques), être compétent signifie " savoir agir " ou être capable de gérer des situations professionnelles complexes, de faire face à des évènements, de prendre des initiatives, de coopérer, etc.
Pour Le Boterf, une personne qui sait agir avec pertinence dans un contexte particulier possède différentes ressources.
- Il y a d'une part, ce qu'il nomme les ressources incorporées. C'est ce qui correspond au potentiel de l'individu et qui dépend largement de son histoire personnelle et professionnelle, de son éducation et de sa formation.- Les aptitudes et les qualités, les ressources émotionnelles, la maîtrise du langage, les capacités cognitives, la capacité et le style d'apprentissage, les capacités de mémorisation, les connaissances, les savoir faire formalisés, le savoir y faire, la culture, les valeurs font partie de ces ressources.
- Quant aux ressources de l'environnement (réseaux relationnels, informations, documentations, outils, installations matérielles, culture d'entreprise, etc.), elles constituent l'autre part de l'équipement que l'individu a à sa disposition.
Cependant, posséder ces ressources reste insuffisant pour gérer des problèmes, des évènements ou des situations professionnelles. C'est davantage la capacité à organiser et à mobiliser ces ressources en combinatoires pertinentes qui rend le professionnel compétent. La pertinence de la combinatoire signifie que l'activation des ressources mobilisées s'appuie sur la prise en compte des données contextuelles, des circonstances ou des conditions associées à une activité à réaliser.
Ainsi, même si la compétence est propre à l'individu, elle est aussi le produit d'une interaction individu - organisation. Associée à une situation donnée, elle est contextualisée c'est-à-dire étroitement liée au contexte (champ de contraintes et de ressources déterminées) dans lequel elle se met en œuvre.
Le modèle que propose Guy le Boterf reprend ces idées en associant le savoir agir (combinaison de ressources), le pouvoir agir (contexte facilitateur, moyens et ressources de l'organisation mises à disposition) et le vouloir agir (contexte incitatif pour l'engagement de l'individu dans l'acte de travail).

Nous nous appuierons maintenant sur les travaux de Grégoire Evéquoz,
psychologue du travail et chargé d'enseignement à l'Université de Genève, pour avoir un éclairage sur le concept de compétence clé. En s'appuyant sur une manière de concevoir le travail d'aujourd'hui qu'il définit par " gérer des évènements, produire des services et communiquer " et qu'il estime avoir valeur de paradigme, il insiste sur le fait que les compétences sont de l'ordre du savoir agir et du savoir mobiliser mais qu'elles n'existent pas en tant que telles. Elles prennent la forme de conduites et de comportements humains qui seront désignés sous le vocable de compétences clés.
C'est leur transférabilité qui va les définir comme des compétences clés dans la mesure où une fois acquises dans une situation donnée, elles vont pouvoir être mobilisées dans un nouveau contexte autre que celui dans lequel elles ont pu être apprises. Il met ainsi en avant la notion de " situations clés " c'est-à-dire des situations qui possèdent des caractéristiques semblables et dans lesquelles l'individu pourra transférer des apprentissages sous forme de comportements appris (les compétences clés).
Il distingue ainsi la transversalité qui désigne les ressemblances entre situations professionnelles et concerne les catégories de problèmes eux-mêmes etla transférabilité qui désigne les capacités de la personne à utiliser ces compétences clés dans les différentes situations professionnelles .

On retiendra que la compétence est liée à une situation concrète : il ne s'agit pas de viser une compétence dans l'absolu car on n'est pas compétent " en général ". La compétence est contingente d'une situation donnée.
Un autre lien est également à faire entre compétence et action : être compétent, c'est pouvoir faire quelque chose mais n'oublions pas que ce qui se voit, ce qui est observable sont les manifestations de la compétence et donc ses résultats. On établira, par conséquent, un lien supplémentaire entre compétence et succès dans l'action : il ne suffit pas d'agir, il faut aussi réussir son action.
Nous avons vu que la richesse de l'environnement et surtout les possibilités d'accès aux réseaux de ressources conditionnent le pouvoir agir de l'individu mais la manière dont l'individu appréhende la situation à laquelle il est confronté est bien évidemment déterminante pour son action.
Ce sont les représentations qu'il aura du problème à traiter qui orienteront la sélection et la combinaison 


source : http://www.pedagopsy.eu/ml_definition_competences.htm

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