Les technologies de l’information sont considérées actuellement comme un outil révolutionnaire qui associé à la fois rapidité et simplicité. Cette nouvelle évolution qui a influencé profondément notre mode de vie n’est toutefois pas sans conséquences sur la règle de droit.
En effet, le fait que la législation s’appuie sur les notions de frontières et de « tangible » pour régir la vie sociale, rend plus difficile l’encadrement juridique du cyberespace et la prise en considération de ses spécificités techniques.
Les controverses soulevées par la preuve électronique, même après l’adoption des textes juridiques visant à réguler le domaine, illustrent cette difficulté de légiférer dans le domaine des technologies de l’information.
Ceci n’implique en aucun cas que le cyberespace doit rester un espace sans droit. Mais vu sa spécificité, on se retrouve devant l’obligation d’associer aux règles étatiques d’autres modes de régulation de sources privées .
Dans ce cadre, le législateur marocain a adopté la loi 53-05 qui va servir de base à la mise en place d’une régulation mixte (publique & privée) des différentes opérations d’échange et de communication réalisées sur le Web.
Pour cette loi relative à l’échange électronique de données juridiques, le législateur a fixé comme objectif principal la reconnaissance de la preuve numérique à travers la légalisation de la signature é\\\lectronique.
La loi 53-05 a donc fixé en claire les conditions pour que l’écrit numérique ait une valeur probante que l’écrit sur support papier comme il apparait au niveau des articles 417-1, 417-2- et 417-3. Désormais l’écrit numérique a la même valeur juridique que l’écrit sur support papier, ce qui implique que ce premier peut être présenté comme argument de preuve. Toutefois, cette reconnaissance est soumise à un formalisme très strict qui fixe un certain nombre de conditions que l’écrit dématérialisé doit satisfaire pour que le tribunal l’admette comme élément de preuve.
L’article 417-1 de la loi 53-05 stipule que : « L’écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité » Deux conditions se dégagent à partir de la lecture de ce texte, à savoir :
Pour atteindre ces objectifs, le législateur a autorisé, par la même loi, le recours à la signature électronique sécurisée.
La procédure de sécurisation d’une signature électronique consiste à chiffrer l’écrit dématérialisé ainsi qu’un extrait à l’aide d’un code de chiffrage appelé « clé privée ». La lecture de ce document chiffré, nécessite le recours à une « clé publique » qui offre la possibilité de déchiffrer ce message : l’article 417-2 de la loi 53-05 stipule que « Une signature électronique est considérée comme sécurisée lorsqu’elle est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégrité de l’acte juridique garantie, conformément à la législation et la réglementation en vigueur en la matière. ».
Par conséquent, la signature électronique est considérée sécurisée lorsqu’elle répond aux conditions suivantes :
Malgré l’apport considérable de la loi 53-05, comme nous venons de le constater, qui vise à attribuer au document numérique la même valeur probante que l’écrit traditionnel, la preuve numérique présente encore des faiblesses liées en particulier à la fragilité de son contenu, à sa dépendance de la technicité de création et de conservation et à la culture des usagers qui reste tout de même liée à l’écrit traditionnel.
L’analyse de la jurisprudence internationale et de la doctrine démontre qu’un document électronique présente des déficiences qui peuvent être nuisibles aux obligations, puisque la constitution de la preuve sera parfois difficile ou couteuse par rapport à l’importance du litige. La suite de ce document se limitera à présenter et analyser les défiances ayant un grand impact sur la valeur juridique de la preuve électronique. Premièrement, l’écrit sur support papier offre un degré élevé de sécurité pour les juristes, étant donné qu’il est matériel et sa reconnaissance juridique suit un certain formalisme imposé par le législateur. Ce formalisme traduit des valeurs essentielles visant en grande partie l’instauration de ce qui est universellement reconnu sous l’intitulé de « sécurité juridique » ayant comme objectif principal : la sécurité des échanges, la protection des personnes et de l’intérêt public.
Deuxièmement, il est clair que le cyberespace a modifié le mode de conservation de la preuve. Cette dernière, telle que universellement reconnue, est conservée sous format papier, en plusieurs exemplaires dont l’orignal. Avec l’avènement des TIC, ce mode de conservation n’est plus adapté et le recours au support électronique est devenu une nécessité. Nonobstant la sauvegarde d’un document sous format électronique ne garanti en aucun cas son caractère orignal et durable puisqu’il peut faire l’objet de modification ou de destruction malintentionnées ou involontaires, tandis que, le contenu de l’écrit, qui est par la force des choses durable, reste inaltérable de la sorte que une éventuelle modification laisse généralement des traces. Troisièmement, l’écrit traditionnel présente des qualités indéniables par rapport au support électronique en matière d’expression de la volonté et de l’adhésion. En effet, l’écriture en tant qu’ensemble de signes est apparente, visible, perceptible aux sens, de telle sorte que l’auteur de la volonté juridique ou le contractant, en écrivant ou en lisant, prend directement conscience et connaissance de la tenu du document et de son contenu, de sa forme, d’autant plus qu’il dispose de tous les moyens pour vérifier qu’il correspond à son intention et aux objectifs prédéfinis. Mais sur un document électronique, il serait difficile et souvent couteux d’assembler ces conditions, d’autant plus que sur un document électronique il serait difficile d’identifier clairement les véritables intervenants d’une transaction bien précise, qui se cachent derrière des machines et des adresses IP, ceci sans exclure la possibilité qu’un tiers intervient en l’absence et à l’insu des intéressés.
Pour illustrer cette fragilité il suffit d’analyser le processus d’établissement d’un contrat électronique. En effet, une personne qui s’engage contractuellement en cliquant sur une icône, a t’elle une connaissance suffisante de ses engagements ? Le fournisseur de service ou de produit sur le net est-il en mesure de prouver avec certitude l’adhésion et l’engagement de son client à l’acte engagé ?
Seul le formalisme exigé dans le cadre du contrat traditionnel est capable de répondre clairement à ces questions, mais il reste inadapté au cyberespace. Quatrièmement, la dépendance des documents électroniques vis à vis de supports et des logiciels de traitement soulève un problème de fond. Evidemment, la lecture ou le traitement d’un document numérique nécessitent l’existence d’un équipement informatique et de logiciels spécifiques, ayant servi à sa création, contrairement à l’écrit traditionnel qui se caractérise par une large autonomie.
En dernier lieu, la procédure de traitement des preuves informatiques par les magistrats nécessitera souvent le recours aux services d’experts dans le domaine des TIC pour faciliter le travail des juges dans le processus de prise de décision , ce qui engendrera aux parties un surcoût qui risque d’alourdir les charges liées au procès.
Conclusion
Deux points essentiels sont à retenir dans ce cadre :
Ennaciri El Houssaine Doctorant en Droit (cybercriminalité) Facultés de Droit Agdal-Rabat
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