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lundi 28 janvier 2013

Régionalisation au Maroc : vers quel modèle ?


Une analyse de Youcef Maouchi et Hicham El Moussaoui, économistes. À l’occasion du 33ème anniversaire de la marche verte, le Roi Mohamed 6, a annoncé, lors d’un discours le 6 novembre dernier, le lancement d’un vaste chantier pour la régionalisation du Maroc. Un processus qui doit s’accompagner d’un renforcement de la déconcentration, en accordant à la région de plus grandes prérogatives locales. Dans quel sens faudrait-il pousser la régionalisation et quel modèle adopter ?

Le souci d’instituer la régionalisation au Maroc ne date pas d’aujourd’hui. Les spécialistes s’accordent à préciser que le processus de régionalisation dans le royaume a pris sa première forme en 1971 avec la création de sept régions. Lié à la décentralisation administrative, ce processus a été renforcé en 1984, puis surtout en 1992. C’est alors que les régions ont été érigées au rang de collectivités locales. Lesquelles ont été considérées comme ayant une personnalité juridique propre et renforcées par des délégations décentralisées. Cependant, il a fallu attendre 2002 pour que la région soit considérée comme la base du développement économique. C’est dans cet esprit qu’ont été créées 16 régions.
Régionalisation : un bilan en demi-teinte
Après presque de 17 ans, le bilan de la régionalisation est en demi-teinte. En effet, dans le processus de régionalisation l’accent a été mis davantage sur la décentralisation administrative, ce qui a fait de la région un relai administratif plutôt qu’un vecteur de développement. Ainsi, le découpage électoral ne prenait pas en compte les spécificités des régions et encore moins les complémentarités interrégionales afin d’activer l’effet de synergie.
L’inexistence de textes et de lois permettant l’exécution et la concrétisation d’un projet de régionalisation, donnant de réelles prérogatives locales à la région pour agir à son niveau, a été un handicap réel. Cette défaillance juridique était couplée à l’insuffisance de ressources financières allouées aux régions, leurs permettant de réaliser leurs programmes et plans. A titre d’exemple, ce n’est qu’en 2002 que la loi de finance a prévu une ligne budgétaire spécifiquement dédiée aux régions. Bref, les régions n’avaient aucun pouvoir pour mener de vrais programmes de développement au niveau régional. Les régions souffraient également de l’insuffisance des ressources humaines et cadres techniques formées pour pouvoir contribuer à la gestion de la chose publique au niveau des régions. A titre d’exemple, lors des dernières élections communales, 56 % des représentants à la gestion des affaires locales n’ont pas de diplôme des écoles primaires.
La dynamique socio-économique au niveau régional révèle une tendance à la concentration spatiale qui engendre une aggravation des déséquilibres entre les régions ainsi qu’un accroissement des phénomènes d’exclusion sociale avec des répercussions négatives sur la compétitivité territoriale de la plupart des régions. D’où la nécessité d’une nouvelle approche.
Quel modèle de régionalisation pour le Maroc ?
Afin de rompre avec le centralisme figé du processus passé de régionalisation il faudrait arriver à une véritable subsidiarité. Selon le principe de subsidiarité, le pouvoir central doit déléguer les missions qui peuvent être exercées à moindres coûts et pour un meilleur service par les nivaux inférieurs. Pour ce faire, il est incontournable de donner une vraie liberté en matière de règlementation et de fiscalité. Une liberté qui permettrait à chaque région de mettre en place les règles, en fonction de ses potentialités, afin d’être la plus attractive. Une concurrence institutionnelle qui va instaurer progressivement une division de travail entre les différentes régions, chacune en fonction de son « avantage comparatif ». Dès lors, chaque région cherchera à accroître sa compétitivité en tirant le meilleur de ses potentialités. En facilitant la coopération et l’échange entre les différentes régions, cela favoriserait la création et une meilleure répartition des richesses.
La liberté laissée aux régions ne pourra être que bénéfique, car comme on peut l’imaginer chaque territoire rencontrant des problèmes et des urgences différents, chaque région aura à se focaliser sur les missions prioritaires qui s’imposent à elle. Ceci est d’autant plus vrai que chaque région se caractérise par des spécificités et des potentialités différentes.
La raison souvent avancée pour expliquer les réticences à une véritable déconcentration du pouvoir et une gouvernance territoriale, est le risque de la déségrégation du pouvoir central et le risque de corruption pouvant apparaître à des niveaux inférieurs, touchant les élus locaux. Il est alors, nécessaire d’accroître la responsabilité de ces élus, en introduisant des principes de responsabilisation et une obligation de rendre des comptes à travers des parlements régionaux par exemple.
Ceci passe par une communication transparente avec les citoyens, qui sont un peu plus près des centres de décisions. Avec la région le citoyen, est à la fois reconnu dans son individualité et dans son action pour son devenir, il résout ses problèmes, avec le concours de représentants proches, dont la légitimité se trouve grandie. Cette proximité est incontestablement une bonne voie pour mettre en œuvre une gestion participative et responsable de la vie locale.
Par ailleurs, la concurrence entre régions peut aussi être un mécanisme de responsabilisation. En effet, une région mal gérée verra son attractivité socio-économique baisser, alors que celle qui est bien gérée verra son territoire être plus attractif économiquement. Ce processus poussera vers l’efficacité et sera source de bonne gouvernance au niveau local.
Ce chantier ouvert par le roi Mohamed VI est à accueillir avec enthousiasme, car la dynamique de régionalisation est source de développement. Mais pour éviter les erreurs du passé, il est incontournable que le processus de régionalisation soit guidé par le tryptique : liberté, responsabilité et concurrence. Si la région doit jouir d’une autonomie et d’une liberté (politique et financière) de décision, les responsables locaux doivent rendre des comptes à des citoyens plus impliqués, et les régions doivent être mises en concurrence. Faute de quoi ce projet risque de créer de nouveaux bureaucrates locaux qui, couplés au centralisme figé et lourd étouffera économiquement le pays et tuera ainsi tous ses espoirs pour un développement pérenne.
Un article de Youcef Maouchi et Hicham El Moussaoui, analystes sur UnMondeLibre.org

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