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jeudi 1 mars 2012

La Chaîne Logistique Globale


Les mois récents ont vu l’affrontement entre les tenants de l’ancienne économie et la nouvelle économie, même si depuis la poussière a eu tendance à retomber. Au-delà des oppositions entre le « click and mortar » et le « brick and mortar », un point de convergence apparaît : le mortier.

Un besoin stratégique existe de gérer le flux global des produits ou des services entre les clients et les fournisseurs. Une gestion efficace du flux (en délai, qualité et coût) peut faire la différence entre le succès et l’échec pour les entreprises dans le nouvel environnement économique, quelle que soit sa qualification.

La gestion de la chaîne logistique globale est ainsi sortie du cercle restreint des experts et des éditeurs de logiciels pour faire une irruption sur la scène publique, parfois au travers d’histoires d’horreur pour le consommateur : commandes de Noël livrées le premier de l’an, voire même après l’Epiphanie…

Si le phénomène Internet a contribué à la médiatisation du concept, il existe une vague de fond liée aux évolutions de l’environnement économique, poussant une nouvelle approche de la gestion des flux opérationnels de l’entreprise.

Définition

La chaîne logistique globale – ou « supply chain » selon le vocable anglo-saxon qui mériterait plutôt d’être traduit par chaîne clients-fournisseurs – recouvre l’ensemble des mécanismes permettant de fournir des produits ou des services au bon moment, avec les bonnes quantités et au bon endroit :

-         elle traite de l’ensemble des infrastructures, de l’organisation, des processus physiques et de l’information nécessaires à la mise à disposition de ces produits-services, depuis la matière première jusqu’au client final ;

-         elle inclut les processus d’achats-approvisionnements, de production et de distribution, et doit opérer de façon entièrement intégrée avec les ventes, le marketing et le développement de produits nouveaux.

La différence fondamentale introduite par cette approche de gestion de la chaîne globale vis-à-vis du fonctionnement classique tient dans le caractère transversal aux fonctions et à l’organisation de l’entreprise. La chaîne logistique doit être alignée avec la stratégie de l’entreprise et mise en oeuvre en conséquence. Compte tenu des fonctions mobilisées, il s’agit là d’une responsabilité de niveau de direction générale.
 
Environnement de l’entreprise

Dans tous les secteurs, les sociétés étendent leur emprise géographique. La pression du client, les besoins de croissance des parts de marché, la réduction des barrières commerciales et douanières et le potentiel lié au progrès de la technologie sont les moteurs principaux de cette globalisation de l’activité. De nouveaux défis en résultent, tant en termes de mise en place de stratégies d’achats et d’approvisionnement au niveau mondial que de capacité à être présents sur de nouveaux marchés (figure 1). Les opportunités sont fortes, mais pour en tirer parti les entreprises doivent passer de la vision à la pratique.

Alors que le monde semble se rétrécir, les distances s’abolir, les chaînes logistiques deviennent plus longues et plus complexes. Aujourd’hui, les entreprises découvrent que les chaînes logistiques dont elles dépendent traversent les frontières et font appel à des relations avec un nombre croissant de partenaires et de fournisseurs.

La chaîne logistique traditionnelle n’a plus d’avenir. Pousser les produits et les services vers le client même le plus efficacement possible ne suffit plus. Elle doit maintenant se trouver au coeur des stratégies opérationnelles, tant industrielles que clients : il s’agit dans certains cas d’une question de survie.

Certaines des meilleures pratiques préconisées actuellement en termes de chaîne logistique auraient été considérées comme des hérésies il y a encore peu de temps. Qui aurait proposé de partager avec ses fournisseurs des informations sensibles sur la demande clients ou bien de créer des partenariats avec ses concurrents ?

Les défis à relever

Les contraintes liées à ce nouvel environnement peuvent être regroupées en trois défis.

Les clients et les consommateurs sont toujours plus exigeants : aujourd’hui, les clients demandent une disponibilité accrue des produits et des services, avec des possibilités de choix toujours plus variées et plus personnalisées. Les zones monétaires unifiées – dont celle de l’euro – et l’Internet permettent à ces clients une identification plus facile des fournisseurs les plus performants. Les clients les plus importants deviennent un des maillons clés de la chaîne. Dans ce monde du « client roi », la gestion de la complexité et de la diversité devient la réalité et le challenge.

La compétition se fait plus agressive et plus globale : la présence de compétiteurs à bas coûts en provenance des pays nouvellement industrialisés, dans un contexte de disparition des barrières douanières, est une menace pour presque tous les secteurs. La convergence entre les différents secteurs et le nombre croissant de fusions et d’acquisitions entre les acteurs majeurs du marché redessinent le visage de la concurrence, tant au niveau global que local.

Les cycles de vie produits deviennent toujours plus courts : la concurrence exacerbée force les entreprises à mettre sur le marché leurs nouveaux produits à un rythme accéléré. Une pression renforcée sur l’ensemble du processus – depuis la conception jusqu’à la livraison physique des produits et la fourniture des services au client – s’exerce pour réduire les coûts et livrer plus efficacement.

Les caractéristiques clés

Une enquête conduite auprès de 200 entreprises dans 19 pays européens a permis de dégager les trois caractéristiques majeures d’une chaîne logistique performante.

Une chaîne logistique orientée clients

Servir des clients toujours plus exigeants, existants ou nouveaux, constitue le premier moteur de transformation de la chaîne logistique. Les pressions de la concurrence ne font que renforcer ce défi.

Le passage d’un mode « poussé-piloté par l’entreprise » au mode « tiré-piloté par le client » est une tendance claire et irréversible, avec une double nécessité :

- des chaînes personnalisées construites pour satisfaire les besoins liés aux diverses offres produits-services à destination de clients-canaux de distribution multiples ;

- une chaîne logistique capable de prendre en compte la demande de cohérence globale – et donc de rationalisation – réclamée par les clients globaux, mais sans sacrifier la diversité locale.

La problématique critique – que l’on a pu nommer le paradoxe de la globalisation – consiste à satisfaire la variété des besoins clients locaux, tout en tirant parti d’économies d’échelle offertes par la globalisation. Les entreprises doivent s’assurer que les processus impliqués dans leur chaîne logistique exploitent la globalisation, tout en garantissant la réactivité nécessaire à un service de proximité.

Les entreprises doivent être prêtes à délaisser les modèles classiques de production pour mettre en oeuvre des approches plus innovantes telles que la différenciation retardée – réduisant les périodes « gelées » dans leur plan de production, adaptant leurs produits le plus en aval possible, en exploitant, par exemple, des techniques de production à la demande.

L’intégration et la synchronisation du réseau logistique

Les participants de l’enquête pensent que d’ici à cinq ans, 95 % des chaînes logistiques seront pilotées par la demande. Pour atteindre cet objectif, les entreprises devront être capables :

- de partager des données sur la demande entre clients et fournisseurs (ces données sont une information sensible, qui présente le risque d’être utilisée comme une arme concurrentielle contre l’un des partenaires) ;

- d’intégrer des systèmes d’information incompatibles ;

- de mettre en oeuvre une flexibilité appropriée des outils de production au niveau de l’entreprise et de ses fournisseurs ;

- d’assurer l’effort permanent nécessaire à la synchronisation avec la demande de la chaîne logistique interne et celle des autres intervenants.

Un monde piloté par la demande clients nécessite de mettre en oeuvre un management par le flux. Il ne dispense pas d’avoir des performances opérationnelles au-delà de la norme. Au contraire, elles deviennent cruciales. La production des produits-services devra être pilotée avec un panel plus large de mesures de performance (telles que le respect des échéances et le pourcentage de commandes clients satisfaites, et non plus seulement l’efficacité d’utilisation des moyens et les volumes livrés…).

Une stratégie de partenariats renforcés

Aujourd’hui, une tendance claire se manifeste en faveur de coopérations renforcées entre les entreprises. L’enquête montre que ce mode de fonctionnement est vu comme une voie d’avenir.

Si peu de doutes sont exprimés quant aux avantages de la coopération ou du partenariat, les succès réels en ce domaine se font attendre. Les partenariats sont souvent vécus selon l’équation « je gagne-vous perdez ». Les partenaires dans la chaîne cherchent le moyen de réduire leurs propres risques plutôt que de construire des situations où les deux côtés sont gagnants.

Cependant, en dépit de ce constat un peu sombre, la conviction est largement partagée que les obstacles au développement de véritables collaborations sont surmontables et que, dans les cinq prochaines années, on assistera à un véritable basculement des organisations vers des partenariats opérationnels. Ces partenariats seront le fait de collaboration avec des industriels non concurrents (80 % des préférences), des industriels concurrents (55 %), des clients (90 %) et des fournisseurs (90 %).

Cette évolution s’inscrit dans la tendance au recentrage sur les processus coeur de métier – en particulier la gestion de la marque, du capital clients et l’introduction de nouveaux produits – et à l’exter-(merci de lire la tourne à partir d’ici)nalisation des activités considérées comme non stratégiques, par exemple livraison, transport et entreposage.

Modalités de mise en place

Une fois identifiées les tendances clés en matière d’environnement concurrentiel et les facteurs dictant la performance de la chaîne logistique, il ne reste plus aux dirigeants qu’à les prendre en compte (figure 2)…

La reconfiguration de la chaîne logistique est une démarche complète qui doit se faire à deux niveaux, d’abord le réexamen des principes stratégiques de la chaîne logistique ou plutôt des chaînes logistiques, ensuite la mise en place des nouveaux modes de fonctionnement en s’appuyant sur le triptyque outils-processus-organisation.

Des choix stratégiques

La chaîne logistique est aujourd’hui encore trop le résultat du collage de ses différentes composantes achats-approvisionnements-production-distribution, assemblées au gré de l’histoire de l’entreprise (avec des évolutions de périmètre et d’organisation qui se sont sédimentées) et selon une vision parfois monolithique du client. Dans l’environnement complexe de l’entreprise globale, plusieurs chaînes logistiques adaptées aux segmentations clients-produits de l’entreprise sont d’ailleurs souvent nécessaires.

Une première étape consistera donc en une remise en cause de cet assemblage en s’efforçant de redessiner les chaînes les plus appropriées aux besoins d’aujourd’hui et de demain. Cette refonte doit se faire au travers d’une démarche de questionnement (voir encadré) portant sur les points clés constituant la base d’une chaîne logistique, tels que l’approche des clients, les arbitrages en terme d’investissements moyens/stocks, la place faite aux fournisseurs et partenaires…

Ce questionnement s’applique à la configuration actuelle de la chaîne logistique pour mettre en évidence les enjeux d’amélioration, voire les hiatus entre les objectifs stratégiques et les choix opérationnels. Il peut être utilisé de façon efficace pour définir les caractéristiques de nouvelles offres globales produits/services/canaux de distribution. Son application à certains échecs récents et médiatisés de l’Internet permet une mise en perspective instructive…

De nouveaux modes de fonctionnement

La mise en place de nouveaux principes stratégiques est confrontée à un certain nombre d’obstacles (figure 3).

La déclinaison opérationnelle de la démarche de reconfiguration passe par la mise en oeuvre effective du triptyque outils/processus/organisation.

Les outils

Aborder l’aspect outils en premier peut sembler mettre la charrue avant les boeufs. Cependant, si les concepts d’évolution de la chaîne logistique globale ne sont pas forcément novateurs, pour la plupart, ils ont été décrits voilà plus de 20 ans, c’est grâce à de nouveaux outils qu’on peut enfin envisager de les mettre en oeuvre.

Cette nouvelle génération d’outils décisionnels (les APS : Advanced Planning Systems) doit permettre d’aborder le pilotage de chaînes logistiques sophistiquées – tirées par la demande multi-pays et multi-canaux. Des effets de levier puissants sont aussi trouvés dans la mise en oeuvre de technologie Internet et le déploiement – en cours ou achevé – des ERP. Des précautions dans la mise en oeuvre sont néanmoins nécessaires, une fois de plus, la technologie n’étant pas la solution miracle. Une approche en trois étapes doit être envisagée.

Une première étape consiste à identifier les limites des outils, alors même que les performances promises en terme d’optimisation et de simulation laissent place à des attentes parfois excessives chez les spécialistes de la gestion de chaîne logistique. Après des années de frustration à manipuler les informations brutes fournies par les outils classiques, l’espoir de pouvoir enfin donner des délais en temps réel à son client, de jongler avec les capacités disponibles de son réseau d’usines ou de positionner ses stocks de façon optimale est souvent très fort.

La réalité pratique est plus terre-à-terre tant du fait d’une maturité technique non encore atteinte par ces outils, que des difficultés à appréhender la réalité dans les modèles. En effet, pour fonctionner effectivement ces modèles doivent être simples sinon simplistes.

Une deuxième étape réside dans la définition d’un mode d’emploi réaliste de ces outils. Comme pour les techniques plus anciennes – tel le MRP (Material Requirement Planning) en son temps – la définition des modalités d’utilisation appropriées nécessite une courbe d’apprentissage.

Savoir construire des solutions robustes sinon frustes est une nécessité. L’obtention de modèles d’optimisation donnant des résultats répétitifs à partir d’un même jeu de données ne va pas de soi, l’effet papillon n’est jamais très loin. Une approche progressive est nécessaire pour construire la solution recherchée, en introduisant pas-à-pas la sophistication, comme par exemple le nombre de contraintes à optimiser…

Savoir limiter le champ d’utilisation est également indispensable pour obtenir des résultats exploitables dans un temps raisonnable. Une remise de délai en temps réel en utilisant des fonctions de simulation nécessite le plus souvent de se limiter à des produits et des clients sélectionnés. Les autres devront être gérés sur la base de méthodes plus rustiques de délais fixes calculés de façon régulière mais non instantanée…

Une troisième étape consiste enfin à s’assurer du niveau de qualité minimal des informations en entrée. Un travail de fond doit porter sur le filtrage et l’harmonisation des informations en provenance des systèmes opérationnels. Les vertus des ERP et le travail de fond qui préside à leur mise en place sont les bienvenus. Dans le cas de l’utilisation de systèmes hétérogènes la tâche d’assemblage – et de construction d’interfaces – ne doit pas être sous-estimée : les délais de mise en place en grandeur réelle sont bien souvent différents des quelques semaines, voire quelques jours parfois annoncés.

Les processus

La promesse de ces outils, même tempérée par le retour d’expérience, ne doit pas faire oublier la nécessité d’une mise à plat des processus. Le Paradoxe de la Globalisation évoqué précédemment doit pouvoir être traité. La conception de ces nouveaux processus doit s’appuyer sur des lignes de force :

- La segmentation clients/produits de la gestion, rendue possible par l’utilisation d’outils de gestion intelligente de l’information et nécessaire du fait de la complexité à traiter. A l’heure des chaînes logistiques globales, le traitement uniforme des clients/produits n’est ni possible, ni économique. Les solutions proposées doivent prendre en compte les caractéristiques ABC combinées des clients et produits.

- La fiabilisation des activités de gestion élémentaires, portant sur les tâches opérationnelles (identification produits, saisie de commandes…) pour assurer la qualité des données de base, telles que la description de références à livrer, la définition des engagements de délais, la quantité en stocks, la connaissance des produits et des quantités expédiées en temps et en heure. Concernant ces aspects de base, les enquêtes de satisfaction client font apparaître une instabilité encore étonnante, source de frustration majeure.

- L’articulation du processus global en trois composantes, une gestion commune de l’interface client regroupant toutes les activités transactionnelles de la prise de la commande à la livraison, une planification amont réglant les grands équilibres (capacités de production, arbitrage sur les stocks, priorités clients…) et une planification aval agissant comme un outil de gestion de crise (prise de décision instantanée en fonction des évolutions de la demande, des incidents en production, des problèmes d’approvisionnement). Ces composantes doivent pouvoir être actionnées simultanément et non plus selon les modes séquentiels du passé.

- L’invention de nouvelles méthodes de travail, décrivant comment collaborer le plus efficacement possible. Au-delà de déclaration de principes, ces modes coopératifs entre des acteurs variés localisés dans des sites multiples et des pays différents sont à créer sans que l’on puisse s’appuyer sur de nombreux retours d’expérience. Ces démarches collaboratives gagneront à être rodées au sein de l’entreprise avant d’être déployées largement vers les clients et les fournisseurs, à l’échelle de la chaîne globale.

Les défis en ce domaine sont à la hauteur des attentes placées. Pour s’en convaincre, il suffit de penser au chemin nécessaire pour faire collaborer des ateliers ou des services sur un même site. Dans le monde de la chaîne logistique globale les dimensions multi-fonctions, multi-sites et multi-cultures doivent être traitées, parfois en temps réel et face au client.

L’organisation

La dernière composante à prendre en compte, pour faire fonctionner ces chaînes logistiques globales, concernent la mise en place des organisations qui sauront utiliser les outils et appliquer les nouveaux processus. Les modèles opérationnels n’ont pas forcément de précédents, même dans d’autres domaines, comme par exemple la finance. L’organisation doit fonctionner dans un environnement du quotidien et de l’instantané multi-fonctions, multi-sites et multi-cultures.

La difficulté tient à la fois dans la répartition entre les différents niveaux, local, régional ou global, et dans le besoin de réactivité exigée. Le référentiel le plus proche dont on dispose sur ce sujet pour apporter un début de réponse est celui des grands projets multinationaux. Force est cependant de reconnaître que du fait du caractère temporaire, la problématique en est plus simple. Les difficultés liées à la construction de structures stables avec des enjeux de pouvoir forts y sont atténuées.

Les points clés en matière d’organisation sont les suivants :

- La mise en place de structures capables de traiter de façon routinière et dépassionnée une problématique de conflits. Dans le cadre du fonctionnement de la chaîne globale, le rôle majeur de l’organisation associée n’est pas de gérer les trains qui arrivent à l’heure, mais ceux qui sont en retard. Le conflit et l’arbitrage sont au coeur de l’organisation, chaque acteur à son niveau étant là pour faire prévaloir le point de vue de son mandant – client, producteur, fournisseur ou partenaire, local ou global, long terme ou court terme.

- Le déploiement de l’organisation au travers des dimensions géographiques et multilingues. Cette dimension dans l’espace peut paraître moins perturbante, mais il existe aujourd’hui peu d’organisations avec une telle diversité qui – sur la durée – sachent fonctionner dans un rythme de l’instantané. L’expérience des grands projets est là encore pour témoigner du challenge. La bonne pratique en la matière consiste à localiser les équipes dans un espace géographique unique – le plateau projet – permettant le fonctionnement optimal. L’organisation nécessaire à la gestion logistique globale ne disposera pas de cette facilité. Les premières expériences de plateaux projets virtuels peuvent fournir des pistes pour trouver des solutions et appréhender les écueils.

- La mise en oeuvre de nouvelles compétences. Cette action est rendue nécessaire par la prise en charge des nouveaux outils et la gestion en instantanée des décisions dans un environnement complexe. De façon un peu schématique, il s’agit de passer de la gestion du magasin à celle du réseau global. De l’avis des entreprises consultées dans notre enquête, cet accroissement des compétences est une difficulté majeure.

Dans ce contexte, la dimension de pilotage du changement prend une place particulièrement importante pour mettre en place de nouvelles chaînes logistiques globales. Même si le nombre d’acteurs impliqué est plus limité que dans le cadre des projets de transformation utilisant des ERP, la complexité peut dépasser celle rencontrée dans ces projets, car parfois plus diffuse, notamment du fait des enjeux de pouvoir.

Révolution ou e-volution

Chaque époque a tendance à s’imaginer comme unique avec des problèmes jamais rencontrés par ses prédécesseurs. Il est donc normal que l’âge de chaîne logistique globale – comme on a pu parfois appeler cette période à venir – n’échappe pas à ce biais. Il est cependant clair qu’aujourd’hui des opportunités fortes sont là pour les entreprises qui sauront les saisir et construire les nouveaux modes de fonctionnement adaptés (figure 4).
La démarche de mise en place de chaînes logistiques globales est un des éléments de la performance pour les entreprises. Il y a bien là une évolution naturelle en regard du chemin parcouru dans les années passées, mais il existe aussi un vrai potentiel de rupture par rapport à des fonctionnements maintenant obsolètes, qui peut transformer les données de la compétitivité des entreprises.

Les 6 questions clés de la stratégie de la chaîne logistique

De quelle interface client veut-on se doter ?

Un premier choix consiste à définir les caractéristiques clés de l’approche client, au travers du niveau de personnalisation des produits choisis, de la production standardisée à la « conception à la demande », et des modes d’accès aux clients retenus, notamment les canaux de distribution utilisés… Des approches multiples peuvent être considérées en fonction de la segmentation du portefeuille produits/clients de l’entreprise. Chacune de ses approches devra faire l’objet d’une déclinaison en terme de chaîne logistique.

Quelle orientation sera privilégiée en terme de réponse à la demande : la productivité ou la réactivité ?

Les contraintes liées aux caractéristiques des produits/services – commodité ou innovation – et à la prédictabilité de la demande doivent être mises en évidence pour évaluer les possibilités offertes en terme de suivi de la demande. Tous les choix ne sont pas disponibles. Des produits à faibles marges et fortes volatilités ne font pas forcément des entreprises heureuses. Cette évidence semble cependant avoir échappé à certains Business Plans de l’Internet, mais peut se trouver au coeur de certaines pratiques de l’ancienne économie…

Quelle est la place des nouveaux produits dans la stratégie de l’entreprise ?

Le renouvellement plus ou moins fréquent et profond de la gamme produits/services ne réclame pas les mêmes performances, ni la même agilité. Les arbitrages coût/performance doivent être adaptés. La démarche d’introduction des nouveaux produits doit être intégrée à la configuration de la chaîne logistique et non traitée de façon subsidiaire.

Où se situent les économies d’échelle ?

Les concentrations actuelles en terme industriel vont parfois à l’opposé du credo d’il y a peu sur les bénéfices de la localisation au plus près du marché. Il appartient à chaque entreprise de revisiter pour ses couples produits/clients et infrastructures les bons niveaux de localisation. L’impact des nouveaux outils d’informations (entreprise virtuelle, capacité décisionnelle) peut bousculer les idées reçues.

Où se positionne le découplage de la chaîne logistique ?

Le concept de « flux tiré », pour aussi attractif qu’il puisse être, a ses limites dans la réalité, que ce soit sous la forme de produits finis sur un parc de stockage à disposition de ses clients, ou de composants dans les magasins de son fournisseur. Chaque chaîne doit, à un moment donné, gérer la contradiction entre une demande volatile et des capacités plus ou moins flexibles. Ce point de découplage doit être piloté en fonction de choix raisonnés (niveaux de services, caractéristiques produits, flexibilité industrielle…).

Quel niveau d’intégration fournisseur ?

Là encore, au-delà des choix de principes, une approche pragmatique pour chaque composant acheté doit être définie, des choix faits en connaissance de cause entre l’intégration complète du fournisseur à sa chaîne logistique (jusqu’à la conception commune produit) et une gestion au coups par coups, retenant le moins disant.

Jean Charlot
Jean Charlot est associé de PricewaterhouseCoopers. Au sein des activités de conseil en management, il a la responsabilité de la pratique Supply Chain Management.

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